La ciste voyageuse #61

Cachée le 28 janvier 2009 par Barfla
Découverte le 01 Février 2009 par Gégé80

L'énigme:

- 'core un peu de… de lachry… lachryma chri… christi, s’te plaît !
- Oh ! la ferme, pochtronne !

Ainsi rabrouée, la Voyageuse laissa tomber sa recherche
(c’était un descendant de l’athlète de Crotone qu’elle voulait rencontrer)
et tituba en direction du bois du lieu ; à mille pas elle s’effondra au pied du Sauveur.



Un indice:




La solution de Barfla:

En parcourant une liste des hameaux et écarts de la Somme, je suis tombé sur le nom de Ferme de la Sainte Larme, près de Selincourt, non loin d’Hornoy-le-Bourg. Le nom de Sainte Larme m’a titillé, je me suis donc renseigné, par internet d’abord. Et j’ai appris l’histoire de l’abbaye Saint-Pierre de Selincourt fondée en 1130 par Gauthier du Thirel (également orthographié : Gauthier III Tyrel). Au XVIIe siècle, une des portes de l’église de Selincourt portait encore l’inscription :

« Haut et puissant Monseigneur Gauthier du Thirel, prince de Poix, fit bâtir et fonda cette abbaye en l’honneur de Dieu et de Monsieur Saint-Pierre, en l’année 1130 ; par l’intercession du R.P. en Dieu Monseigneur Milon de Selincourt, religieux de Dommartin-au-Bois, enfant de la maison dudit Selincourt. » Milon sera le premier abbé et cette abbaye deviendra le lieu de sépulture de la famille de Thirel.

En 1204, Bernard de Soissons, seigneur de Moreuil (Bernard III), reçut pour sa bravoure au siège de Constantinople une des larmes du Christ qu’il offrit en 1209 à l’abbaye de Selincourt, conservée dans un « vaisseau de cristal attaché à un reliquaire d’argent et soutenu par deux anges aussi d’argent. »

Mes recherches m’ont ensuite conduit à la Bibliothèque Municipale d’Amiens où j’ai découvert ce livre :


Le Chanoine Le Mercier y expose la véridique histoire de la Sainte Larme :

La tradition dit que Jésus-Christ a pleuré à de nombreuses reprises et que « Ses Larmes furent recueillies, par des anges, dans des petits chalumeaux de cristal très-pur, donnés à sainte Marie-Madeleine, sœur de Lazare, pour par elle estre communiqués à toute l’Eglise. » L’une de ces Larmes, après bien des tribulations, se retrouva ainsi à Constantinople à l’époque des Croisades et échut comme nous l’avons vu à Bernard de Soissons.

On attribue à la Sainte Larme le don de produire des guérisons miraculeuses, en particulier pour les maux d’yeux, d’où un pèlerinage très fréquenté.


Enseigne de pèlerinage Sainte Larme

Notre abbaye Saint-Pierre de Selincourt disparut à la Révolution française, la sainte Larme un temps conservée à la cathédrale d’Amiens se trouve aujourd’hui en l’église de Selincourt. Les bâtiments de l’abbaye ont tous été rasés, il ne reste sur place que quelques souvenirs que M. et Mme CRETE présentent dans un petit musée.

Et une page de pub’

Rose-Marie et Laurent CRETE

Entrez dans cette ferme typique du 18ème siècle avec cour fermée et pigeonnier central...et goûtez au cidre de Laurent !

Dans l’ancien fournil, autour du feu de bois, vous dégusterez tarte et confiture "maison" arrosés de cidre. Laurent vous accompagnera dans son verger. Rose-Marie vous fera découvrir les vestiges de l’Abbaye du XIIème siècle regroupés dans un petit musée.

Le panneau d’information sur place

Maintenant, l’énigme :

Il me fallait évidemment diriger vers Ferme de la Sainte Larme de Jésus-Christ : je n’ai rien trouvé de plus simple que de faire référence au lacryma-christi (larme du Christ !), il fallait aussi évoquer la ferme, d’où le reproche peu amène : « Oh ! la ferme, pochtronne ! » Enfin, pour confirmer le tout, j’ai fait référence à l’athlète de Crotone afin de conduire au nom de Milon, le Bienheureux à l’origine de l’abbaye.

J’ai préféré déposer la ciste à quelque distance (500 mètres : mille pas titubants) de la ferme, dans la direction du bois du lieu : effectivement il y au nord de Selincourt le Bois de Sainte Larme.

Et puisque certains voulaient à tout prix des allusions littéraires pour cette énigme, j’ai un moment orienté les recherches vers les Caprices de Marianne de Musset, où il est question du vin du Vésuve :

OCTAVE, seul. - (Il frappe à une auberge.) Apportez-moi ici, sous cette tonnelle, une bouteille de quelque chose.

LE GARÇON. - Ce qui vous plaira, Excellence. Voulez-vous du lacryma christi ?

OCTAVE. - Soit, soit. Allez-vous-en un peu chercher dans les rues d'alentour le seigneur Coelio, qui porte un manteau noir et des culottes plus noires encore. Vous lui direz qu'un de ses amis est là qui boit tout seul du lacryma christi. Après quoi vous irez à la grande place, et vous m'apporterez une certaine Rosalinde qui est rousse et qui est toujours à sa fenêtre. (Le garçon sort.)

( …)

MARIANNE. - Dites-moi, cousin, est-ce du vin à quinze sous la bouteille que vous buvez ?

OCTAVE. - N'en riez pas ; ce sont les larmes du Christ en personne.

(…)

MARIANNE. - Je croyais qu'il en était du vin comme des femmes. Une femme n'est-elle pas aussi un vase précieux, scellé comme ce flacon de cristal ? Ne renferme-t-elle pas une ivresse grossière ou divine, selon sa force et sa valeur ? Et n'y a-t-il pas parmi elles le vin du peuple et les larmes du Christ ? Quel misérable coeur est-ce donc que le vôtre, pour que vos lèvres lui fassent la leçon ? vous ne boiriez pas le vin que boit le peuple, vous aimez les femmes qu'il aime ; l'esprit généreux et poétique de ce flacon doré, ces sucs merveilleux que la lave du Vésuve a cuvés sous son ardent soleil, vous conduiront chancelant et sans force dans les bras d'une fille de joie ; vous rougiriez de boire un vin grossier ; votre gorge se soulèverait. Ah ! vos lèvres sont délicates, mais votre coeur s'enivre à bon marché. Bonsoir, cousin; puisse Rosalinde rentrer ce soir chez elle !

Cet extrait de Musset insistait sur la traduction de lacryma christi : larmes du Christ. C’était le seul aspect difficile de l’énigme, car il suffisait ensuite de taper « larmes Christ Somme 80 » dans un moteur de recherche pour tomber sur la fameuse ferme.

Comme malgré tout, le déclic ne se produisait pas, je décidai de changer mon fusil d’épaule et d’envoyer chercher du côté de Bernard III de Moreuil qui, en tant que chevalier du Temple, a participé au siège de Constantinople en 1204 (Cinquième croisade) puisque c’est lui qui a rapporté en Picardie la Sainte Larme. J’ai donc trafiqué une image du siège de Constantinople :

user posted image

On peut lire en haut de l’image : Comment les barons de France qui demeurèrent outremer prirent la cité de Constantinople.

A vrai dire, je pensais que cette ciste ne resterait en place qu’un jour ou deux ! Mais j’ai la nette impression que le choix du vin n’a pas été au goût de certains !

Et un grand bravo à Gégé80, fidèle à sa réputation !

La trouvaille de Gégé80:

Au départ, je me suis cantonné au côté faussement littéraire de l'énigme que nous avait concoctée Barfla.
En effet celui-ci nous a habitué à glisser de telles références dans ses écrits.
Le lacryma christi et notre moteur de recherche favori m'ont mis sur la piste de Rabelais.
J'ai trouvé un lieu-dit Gargantua à Friaucourt et les pages jaunes m'ont appris qu'il y avait un Monsieur Milon (descendant de celui de Crotone !) dans cette localité.
Un tour sur geoportail m'apprend qu'il y a une ferme tout près de là.
Un bois pas très loin !
Pas de calvaire visible !
Je me décide quand même à y aller tout en cherchant quelques cistes dans le coin, histoire de na pas rentrer bredouille.
Je tourne pas mal à Friaucourt mais point de Voyageuse !!

Petit MP à Barfla pour lui conter ma mésaventure :
je ne suis pas encore au fond de ma bouteille de lacryma christi.
J'avais trouvé quelque chose qui me plaisait bien whistling.gif
Gargantua !
Milon : il y a un Milon à Friaucourt
Le lieu-dit Gargantua à côté d'une "ferme" !
Un bois mais pas de calvaire apparent !
Cet après-midi j'ai pris l'air et trouvé 3 cistes sur la côte.
Une m'a échappé (la 21722 que je présume être à St quentin lamotte .. !)
Et je suis passé par acquit de conscience à Friaucourt.
J'ai bien tourné mais nib !
Entretemps, j'avais pensé au bois de Cise (en direction du bois du lieu !!!)
Cela eut été trop beau.
Je vais m'y remettre biggrin.gif


Musset ne m'apporte rien !

Et puis le dernier indice de Barfla
Une recherche sur Bernard III et je trouve un Bernard III de Moreuil mais bon!
Et puis en fouillant plus avant, je tombe sur ceci

Après les fêtes de la Pentecôte, Bernard de Moreuil partit de la Terre Sainte chargé de la relique de la sainte Larme, pour la déposer en l'abbaye de Moreuil. Il ne l'y laissa que peu de temps, car, averti par une inspiration d'en haut, il la fit transporter au monastère de Saint-Pierre les Selincourt, bâti avec les générosités de Gaultier Tyrell III et de Fide de Selincourt, sa femme, à la prière du bienheureux Milon de Selincourt, abbé de Saint-Josse-au-Bois.

Et tout s'éclaire !
lacryma > larme

Un nouveau tour sur geoportail et plus de doute:
La FERME, le bois, et le calvaire qui apparaît.




Reste à braver le vent glacial.



Le morpion était perdant
Zut, peux même pas me mettre une goulée de lacryma christi dans le gosier.

Bravo, Barfla pour cette énigme qui nous a enivré !!

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