La ciste voyageuse #55

Cachée le 25 octobre 2008 par Barfla
Découverte le 30 octobre 2008 par Gégé80

L'énigme:

La Voyageuse, en mal d’affection, voulut aller à la rencontre de ce garçon d'une délicieuse fantaisie.
Parti des îles britanniques, il s’apprêtait à rejoindre Amiens, puis Paris.
Elle le trouva rageant contre son postillon, non loin des verts restes d’un moteur.
Pour ne pas l'irriter davantage, elle se cacha sur le côté, sous une blanche pierre.





Les indices:

j'ai l'honneur et la joie de vous présenter
le "garçon d'une délicieuse fantaisie":



voici un oiseau:
embarquez sur ses ailes et il vous conduira à l'auteur!




La solution de Barfla:

J’ai voulu faire un coucou à un écrivain britannique d’origine irlandaise, du dix-huitième, que j’aime beaucoup, Laurence Sterne.


C’est l’auteur d’un roman délirant en diable et extrêmement novateur, Tristram Shandy.

Diderot s’en est d’ailleurs largement inspiré pour son surprenant Jacques le fataliste.


Ce que j’aime dans Tristram, c’est que Sterne joue avec le lecteur, avec ses attentes, son goût du romanesque en particulier (qu’il s’amuse à décevoir), avec la façon ordinaire d’écrire un roman :

il laisse par exemple une page toute blanche pour que lecteur puisse faire le portrait d’un

personnage qui l’intéresse,

ou bien il fait figurer la préface de son roman à la cent cinquantième page (il estime avoir alors du temps pour cela puisque ses personnages ne font rien d’intéressant !)


Mais le roman qui m’intéressait pour la Voyageuse est

The Sentimental Journey through France and Italy.



C’est un « roman » adorable, où Sterne, francophile convaincu, joue sans arrêt avec les deux langues, cela donne des remarques savoureuses sur les jurons français :

« It is not mal à propos to take notice here, that though La Fleur availed himself of two different terms of exclamation in this encounter – namely, Diable ! and Peste! that there are nevertheless three, in the french language...» (Le troisième, que Sterne refuse de nommer, semblant bien être Foutre!)


C’est aussi un roman qui se déroule en partie dans le nord de la France (le voyageur, Yorick – nom emprunté au Hamlet de Shakespeare - connaît diverses aventures, à Calais, Montreuil, Nampont et Amiens) ;

d’ailleurs le valet que prend Yorick, son valet picard, s’appelle… La Fleur !


Enfin, c’est depuis ce roman qu’on utilise en français l’adjectif sentimental.

Le succès du roman a lancé ce mot, qui a fait son nid, au point qu’on ne songe jamais à un anglicisme en l’utilisant !


Le passage concerné pour la ciste se déroule à Nampont :

Yorick et La Fleur ont dû s’y arrêter à cause d’un âne mort en travers de la route qui a si bien effrayé le cheval de La Fleur qu’il a expulsé le « pauvre garçon » d’une vigoureuse ruade et s’est enfui.

« La Fleur bore his fall like a French christian, saying neither more or less upon it, than Diable


Après une pause à Nampont (pour écouter le récit pathétique du maître de l’âne mort),

Yorick et La Fleur reprennent la route d’Amiens et…

c’est alors que le postillon de Yorick part au grand galop.


« Je lui criai (…) d’aller plus lentement - et plus je criais, plus impitoyablement il galopait – Le Diable les emporte, lui et son galop – dis-je – il va continuer à m’arracher les nerfs jusqu’à ce qu’il m’ait jeté dans une sotte colère, et alors, il ira lentement, pour me permettre d’en savourer les douceurs.


Le postillon accomplit la chose à merveille : au moment où il atteignit le bas d’une côte roide, à une demi-lieue de Nampont, - il m’avait mis en colère contre lui – et contre moi-même ensuite, d’être en colère. »


Il me fallait donc une cachette sur la route d’Amiens, à environ deux kilomètres de Nampont : j’ai bien sûr repéré comme site idéal le moulin en ruines.


Comme il semble parfois lieu de rencontre, j’ai préféré mettre la ciste à l’extérieur, près d’une des portes.

Avec la photo du forum, elle doit pouvoir être récupérée.

Je dois quand même demander pardon pour la faiblesse du jeu de mots moulin-moteur !


Voilà un aperçu de la genèse de cette ciste, j’espère ne pas vous avoir trop assommés avec mon cours de littérature !


Comme les chercheurs peinaient un peu, j’ai mis un premier indice :

le garçon d’une exquise fantaisie : le Yorick de Hamlet .


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Je ne suis pas sûr que cet indice ait beaucoup aidé les quêteurs…


Puis j’ai orienté les recherches vers l’auteur : un écrivain anglais d’origine irlandaise du dix-huitième siècle, d’état ecclésiastique (l’irish joke) et ai mis la photo d’un oiseau en deuxième indice :


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Une sterne évidemment !


J’ai vite compris que Sibiville avait découvert mais, clouée par la maladie,

elle a dû céder son tour à Gégé80, toujours d’attaque !


BRAVO à tous les deux !


The story by Gégé80:

Cette énigme m'a donné du fil à retordre.
Je me doutais bien qu'il y avait quelque chose de littéraire là-dessous.
Barfla nous avait d'ailleurs prévenu.

Quelques recherches on the web ont été stériles.
Barfla nous a confirmé qu'il était question d'un roman.
Et grâce à Sibiville, nous avons su que l'auteur était anglais mais d'origine irlandaise.

Tout cela était bien beau mais même si nous trouvions l'écrivain, de quel livre était-il question ?
Et encore fallait-il dégoter ce bouquin et trouver l'anecdote.

L'irish joke m'a conduit sur un site où j'ai retrouvé la citation
A young man has just announced to his uncle that he planned to study for the priesthood. The uncle was overjoyed.
"I couldn't be more pleased" he said."I hope to live to hear you preach at my funeral."

Mais je n'étais pas plus avancé !

Je dois dire qu'alors Barfla nous a bien secouru sinon, nous y serions encore à Noël !
Le site de la BNF et Léon.

Après moult clics of my mouse, j'ai fini par trouver Laurence Sterne et Léon de Wailly
Et l'ouvrage "Vie et opinions de Tristram Shandy "
Et j'ai commencé à le consulter (pas le lire!!!) page après page, clic après clic.
Mes yeux fatigués m'ont fait comprendre qu'il fallait se coucher.
Je me doutais bien que Sibiville était sur la piste et d'autres peut-être, tapis dans l'ombre.

Ce matin, la photo de la mouette ou STERNE m'a fait comprendre que j'étais sur la bonne voie.
J'ai fini par trouver un passage où il était question de postillon mais plusieurs villes étaient mentionnées (Nampont, Bernay, Abbeville, Ailly le Haut Clocher, Flixecourt, Picquigny) et rien de vraiment significatif et indiscutable.
J'avais subodoré que le moteur vert pouvait être un moulin et en ruine !
J'avais des couses à faire à l'intermarché de Flixecourt (pub gratuite) et pas acquit de conscience j'ai été voir le moulin en ruine sur la route d'Amiens mais ce n'était pas le bon !!
J'ai donc repris mes recherches et je suis finalement arrivé sur l'anecdote du postillon.
Donc là, plus d'erreur !

Sibiville devait être arrivé à la même conclusion.

La voyageuse était à Nampont et comme je l'ai déjà dit, sûrement au pied du moulin en ruine que j'avais fréquenté antérieurement.
Sibiville ne pouvant se déplacer, je l'ai donc fait

Et le moulin était bien vert !!




Le solitaire était gagnant : 7 € !!



Merci Barfla pour cette énigme bien tournée.

Il faut reconnaître que sans tes indices, il nous aurait été bien difficile de trouver.

Albion est toujours aussi perfide.

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